Du renouvellement créateur en contexte - 1/4
Ces dernières semaines, mes réflexions se sont régulièrement polarisées sur l’idée du renouvellement créateur.
Par quel sentier, avec ou sans balises, faire avancer ma littérature ? Suis-je réellement soumise, en tant qu’auteur, à l’impératif du positionnement sur les terrains parisiens denses à l’excès que je foule ? Suis-je, en tant qu’écrivain en lifestyle actif, contrainte à déployer l’éventail 180° des formes littéraires encensées du répertoire moderne pour briser les plafonds, exister “totale” sur le rooftop ? Puis-je pratiquer le hors-piste ? Suis-je trop junior pour me le permettre ? (soon 32, le 13 août !) Ou ai-je justement tout intérêt à cultiver la disruption subtile, exotique et ambiguë dans mon art ?
Évidemment, je n’ai pas de réponse arrêtée. God gptpedia knows l’infini des possibilités de configurations et de trajectoires créatives empruntées, déstructurées, improvisées ou prônées par mes aînés, à tel point que cette liberté de choix – cette responsabilité de choix – m’en impose presque de saluer l’ankylose.
Dès 1987, feu Sergio Leone témoignait en interview : “It is hard to do a film that wants to say something because, unfortunately, most everything has been said.”
Game similaire en littérature du 21ème ? Ceux qui eurent l’occasion de côtoyer mon œuvre filmique expérimentale, et en particulier le long-métrage “Les devenirs du charisme” (souvenir souvenir !), connaissent mon attachement au travail du neurobiologiste Henri Laborit. Ancrées dans sa compréhension rationnelle hyperlucide et sévère de nos systèmes nerveux – de nos déterminismes – les réflexions du découvreur de la chlorpromazine, premier neuroleptique au monde, abordent l’idée de créativité avec un prisme bien singulier. Telle une boussole vintage survolant l’océan graphexponentiel agité des gestes créateurs contemporains, sa pensée courageuse résiste à l’obsolescence…
Voici quelques extraits inspirants du chapitre dédié à la créativité de son essai phare La Nouvelle Grille (1974) que je tenais à partager :
“En effet, quelle motivation pourrait avoir un individu dans un tel système, si ce n’est s’élever dans les hiérarchies ? Or, pour cela, il doit obéir aux règles de la dominance qui assurent le maintien de la structure socio-économique existante. On lui demande de reproduire et non pas de créer des structures nouvelles. (...)
Les écrivains et les philosophes seront honorés au prorata de leur apport au maintien des structures mentales et sociales existantes. Ce qui se vend le mieux, c’est toujours ce qui crée le moins d’inquiétude, à savoir l’expression des lieux communs et des préjugés d’une époque. (...)
La motivation dans ce cas se trouve limitée d’elle-même. Le créateur doit donc trouver une motivation en dehors des hiérarchies de la société où il vit car la création affirme une structure nouvelle, non conforme, anxiogène. Elle ne peut donc être immédiatement acquise par le groupe humain, la société de l’époque où elle est exprimée. (...)
Il doit s’arranger pour fuir, pour ne perdre aucun instant dans des luttes langagières stériles et n’attacher d’intérêt aux critiques comme aux louanges que si elles sont susceptibles de l’aider ou de l’éclairer dans sa recherche. (...)
Être le premier à découvrir un aspect inconnu du monde est une motivation qui relève du narcissisme congénital, du besoin d’être aimé et admiré qui guide tout créateur. Ce n’est que s’il persévère en l’absence de cette gratification que la suspicion devient moins grande.
Ce n’est qu’en l’absence de cette gratification, en l’absence de la reconnaissance publique immédiate de son œuvre que l’originalité de celle-ci devient probable, et que sa motivation risque d’être fondamentale.”