Du renouvellement créateur en contexte - 3/4
Aussi salutaires soient-elles, je crois qu’il reste très difficile de répondre aux questions du Génie reçues dans le billet surf 2/4. La demande relève du trail intérieur… orienté confusion kisscool, repli psy titane et frontières sociales plastifiées, pour faire genre on serait imperméable.
Comment faire face et canaliser l’abondance des flux de perceptions in situ et post happening ayant giclé sur moi ? Comment discerner mes désirs invisibles de ceux d’autres dont les attentes, besoins et scénarios personnels m’influencent ? Comment identifier ma prochaine image idéale+, celle à laquelle je dédierai ma force, celle que ma libido s’attachera à faire naître et à recomposer encore et encore, celle qui me rendra intègre ?
Dans la pensée de Carl Jung, le concept de libido, force vitale désirante qu’il associe à “l’énergie psychique en général”, dépasse le sexuel.
“All psychological phenomena can be considered as manifestations of energy, in the same way that all physical phenomena have been understood as energic manifestations ever since Robert Mayer discovered the law of the conservation of energy. Subjectively and psychologically, this energy is conceived as desire. I call it libido, using the word in its original sense, which is by no means only sexual.” [Psychoanalysis and Neurosis," CW 4, par. 567.]
J’évoque ici la distinction, dans l’objectif de partager avec vous mon trouble, mes propres sensations.
Est-ce que ma pratique créative – manifestation évidente de ma libido – compense, prend le pas sur le sexuel dans ma vie ? S’agit-il du même mécanisme de transfert d’énergie, de la même impulsion, de la même foudre catalysée mais sublimée sur un territoire dont je croirais connaître la nature des sables, vers une forme que je croirais maîtriser, que je croirais moins dangereuse, et dont le fruit total m'appartiendra sans doute et sans conflit ?
La libido créatrice canalisée s’observe en mouvement sur de nombreux terrains pseudo vierges, de la feuille blanche raturée des poètes aux marchés volatiles conquis par les entrepreneurs sériels, de la terre rouge battue des players inventifs aux champs d’expérimentation des visions scientifiques, et jusque dans les zones de hauteurs musiciennes, d’harmonies interdites…
“It does not lie in our power to transfer "disposable" energy at will to a rationally chosen object. The same is true in general of the apparently disposable energy which is disengaged when we have destroyed its unserviceable forms through the corrosive of reductive analysis. [It] can at best be applied voluntarily for only a short time. But in most cases it refuses to seize hold, for any length of time, of the possibilities rationally presented to it. Psychic energy is a very fastidious thing which insists on fulfilment of its own conditions. However much energy may be present, we cannot make it serviceable until we have succeeded in finding the right gradient.” [The Problem of the Attitude-Type," CW 7, par. 76]
Carl Jung explique que nous ne disposons pas du pouvoir de choisir rationnellement l’objet de nos désirs, par extension : nos images-désirs, par extension : nos aspirations créatives. Il nous aide à comprendre que la libido ne se force pas, et qu’elle dicte – “fastidieusement” – (capricieusement) ses propres règles. À l’heure inévitable de son impact, à la cruciale question du “dois-je plier”, et à son pendant “puis-je plier”, le psychiatre suisse avance la solution :
“finding the right gradient”
Et de découvrir ce soir
À défaut d’être en capacité de choisir from scratch notre image idéale+, voilà donc identifiée, enfin – peut-être – la plus unique des options (no nudge here!), le seul compromis directionnel que l’on aura intérêt à accepter dans le désordre des sens et la souffrance de l’inertie, celui qui nous portera, on l’espère, toujours plus loin dans l’expérience et dans la création :
la recherche du “right gradient*”
gradient* : inclinaison, pente, montée, dénivelé