Sémiologie de l’acouphène - 1/2
Dans la nuit du 19 novembre, vers 3H19 du matin, je le crois au point d’apside* du cauchemar cinéesque technicolor et pénible que mon inconscient m’imposait en phase paradoxale, je me suis réveillée dans un acouphène accablant, à droite. Il ne cède toujours pas. Quand je suis seule avec mon attention, j’entends le silence qui crisse dans mon oreille tel un tracé de craie stérile sur de l’aluminium. Les rondes de bourdonnements incluses dans le stack se manifestent sans que j’en puisse détecter l'algorithme particulier. J’ai très mal à la tête.
J’entends les mensonges
Habituée à contrer l’angoisse par l’action et la recherche, j’essaie directement de comprendre, d'interpréter le phénomène.
Aparté
Vendredi dernier, alors que j’animais mon cours de sémiologie créative à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, j’expliquais en guise d’introduction à un groupe d’étudiants que le terme sémiologie – du grec ancien σημεῖον ‘sēmeîon’ « signe », et λόγος ‘lógos’ « parole, discours, étude » – avant de faire référence à la grande théorie critique générale des signes et des systèmes de significations conceptualisée par Saussure, puis institutionnalisée cool à la française par Barthes dans le scope très sérieux des sciences humaines et sociales – se rapportait dans un premier temps à l’étude des symptômes d’un mal devenu physique, celui diagnostiqué par votre généraliste. On parle dans ce cas de sémiologie clinique ou médicale.
Alors qu’énonce la science ?
D’après les sites d’organismes de santé “validés” par la recherche, l’apparition d’acouphènes peut être liée à de nombreuses causes, que je ne coche pas vraiment en fast-check de la liste. J’imagine éventuellement la surexposition au son, que je consomme volontiers et sans mesure. Certes, j’ai “ravé”; mais pas récemment à haute intensité. Je pense à la qualité de vibration de mes écouteurs Sony, dont la loyale et quasi indispensable compagnie en déplacement ne me donne guère envie de les porter responsables. Je doute dans l’enquête, en essayant de croiser les informations. C’est la troisième fois que ce signe se rappelle à moi.
“L’acouphène serait une sorte de bug cérébral résultant d’une tentative d’adaptation”
Dixit Arnaud Norena, chercheur en neurosciences cognitives, qui explore la question.
Pourquoi pas.
Du dataset que j’agrège et filtre, ressort l’idée que l’apparition de l’acouphène ne serait pas forcément liée à une cause physiquement sonore. La gêne pulsative pourrait résulter de déséquilibres vasculaires du cerveau, pressurisé par la demande.
Laquelle ?
À l’extérieur, je ne peux qu’admettre que la pression de performance productive propre à la doxa locale, incluant les clients, les employeurs, les protecteurs, les collaborateurs et les dirigés qui attendent du feedback et de l’exemple à très juste titre, impacte mon système nerveux.
À l’extérieur, je ne cesse d’entendre la demande psycho-émotionnelle des autres que je croise, celle dont le besoin d’être assouvie viscéralement, canalisée, ou désamorcée dans les règles m’oblige à sectionner mon antenne.
Si seulement leur volume pouvait baisser
Lors de mes deux précédentes expérimentations du phénomène, finalement assez neuf dans ma sensation du monde, en Juin, puis en Août derniers, un simulacre de rupture relationnelle signifiant était en jeu. 24H de latence post break, et mon cerveau limbique me clouait au lit, littéralement HS, écrasé par l’émotion qu’il s’efforçait de traiter, et avec pour complice signal cet inflexible juge acouphène. Il me donne bien de la morale…
À genoux, Astrid
À l’intérieur, je commence à entendre que la demande du Soi se trouve contrecarrée; le Soi dont parle Jung, celui de l’individuation, de la progression vers l’image idéale+ (ne l’oublions pas) et du contrat d’évolution signé avec ce monde.
Sans surprise, ni lèse-majesté, les spirituels ésotériques ont également couvert le sujet. Certains abordent l’acouphène comme un message profond de l’âme aliénée, réclamant de son porteur qu’il fasse preuve d’une meilleure écoute intérieure. Des ressentis refoulés en quête de résolution auraient à être entendus, au-delà des refus réitérés de la conscience. Des fréquences de tensions accumulées résistantes auraient à être reçues, au-delà des structures communicationnelles rigidifiées par notre culture d’expression loophole malgré l’évidente saturation des flux.
Négliger l’acouphène n’est plus une option
À silence altéré, j’oppose introspection, et j’observe le soleil depuis ma zone. Avec de la chance demain je l’entendrai mieux
(Astronomie) Point de l’orbite d’une planète dans lequel cette planète se trouve le plus près ou le plus loin du soleil.
(Par extension) Point de l’orbite d’un satellite dans lequel ce satellite se trouve le plus près ou le plus loin de sa planète.